mercredi 28 décembre 2011

Contribution au thème " recherche et société " des Etats généraux de la recherche et de l'enseignement supérieur (avril 2004)





Contribution au thème 1 " recherche et société " des Etats généraux de la recherche et de l'enseignement supérieur (avril 2004)
Par Marc Delepouve
SNESUP-FSU

Les questions des liens entre la recherche et la société en général et entre recherche et économie en particulier ne sont pas nouvelles. Toutefois, depuis la fin du XXe siècle elles se présentent sous un jour nouveau :
  • De larges composantes de la recherche sont de plus en plus imbriquée avec l'activité économique. Nous avons là une caractéristique de ce qui, par simplification, est appelée économie de la connaissance. Laquelle est, du moins au stade actuel, intimement combinée au libéralisme économique.
  • Une accélération, dans de nombreux secteurs, de l'évolution des connaissances, des techniques et de l'usage des techniques.
  • L'évolution des connaissances et techniques porte des évolutions de l'être humain (certains y voient même des mutations profondes) via les modifications des conditions matérielles de vie, et via les changements culturels et sociétaux. Aujourd'hui, avec les perspectives des manipulations génétiques sur l'Homme et celles des nanotechnologies, se dessine un nouveau type d'évolution de l'humain, qui nécessite pour le moins une réflexion approfondie, de larges débats et qui doit éviter toute précipitation.
  • Des besoins sociétaux inédits et de dimension mondiale appellent, parfois avec urgence, de vastes chantiers de recherche.

1. Vers l'hégémonie de la logique marchande ? Pour revenir en haut de cette page !

La recherche publique est à la rencontre de plusieurs logiques qui, et cela avec des variations selon l'espace et le temps, à la fois s'affrontent ou s'articulent, divergent ou convergent. Nous les listons ici sans ordre hiérarchique :
  • Celle de l'Etat.
  • Celle des besoins de la société.
  • Celle de la démocratie.
  • Celle de l'entreprise marchande et du profit.
  • Et une logique endogène qui n'émane pas d'acteurs extérieurs au monde de la recherche : souci de la vérité, dynamique disciplinaire, émulation, désir de la connaissance, sens de la communauté universitaire internationale, éthique…
La logique marchande voit son influence croître depuis deux décennies, ce qui perturbe la dynamique de production des connaissances et la réponse apportée aux besoins de la société. Globalement, partout dans le monde, depuis deux décennies, les politiques des gouvernements au plan national, et les politiques intergouvernementales au plan européen et international amplifient ce déséquilibre : financement privé croissant ; grandes orientations nationales répondant aux besoins des entreprises ; privatisation des connaissances (brevets européens, accord ADEPIC de l'OMC) ; etc. Les derniers projets gouvernementaux français portent une accélération de ce mouvement.
Ne faut-il pas stopper ce processus ? Le réorienter ?
Le développement de la logique marchande sur la recherche publique s'accompagne
  • D'un primat de la compétition sur la coopération ;
  • D'une valorisation et d'innovations qui tendent à se réduire à leurs composantes marchandes, avec des conséquences structurantes sur la recherche appliquée et sur la recherche fondamentale.

2. Quelle place donner à la logique démocratique ? Pour revenir en haut de cette page !

La logique démocratique ne doit-elle pas accroître son influence sur la recherche ? Ne faut-il pas notamment développer les informations, les mises en débat public ? Ne faut-il pas multiplier les conférences de citoyens ? Si oui selon quelles modalités et avec quels gardes fous ?
L'évaluation des besoins sociaux d'un côté et celle des activités et des projets de recherche de l'autre sont décisives. Quelles limites présentent-elles ? Quelle place doivent-elle donner à la démocratie ? Dans tous les cas, l'évaluation des besoins sociaux et celle de la recherche publique ainsi que celle de l'usage du financement public de la recherche privée - qui fait grandement défaut aujourd'hui, ne peuvent être confiées à des cabinets privés.

3. Quel devenir de l'humanité ? Quelle recherche ? Pour revenir en haut de cette page !

Ne fait-il pas stopper, ou du moins contenir, le processus en cours en France, en Europe et dans le monde, de développement de la logique marchande sur la recherche publique ; et repenser la recherche et l'université publiques, ainsi que la nécessaire relation de la première avec la recherche privée, afin de, notamment, répondre davantage aux besoins de la société, et en particulier en prenant en compte les grands défis et périls que rencontre l'humanité : le réchauffement climatique ; plus largement un mode de vie et une organisation de l'espace mondial aujourd'hui inaptes à prendre en compte l'avenir alors même que la puissance matérielle est désormais extrêmement lourde de conséquences sur cet avenir ; érosion de la diversité des cultures, des modèles sociaux et économiques ; abandon d'une large part de l'humanité - d'abord et surtout hors des pays riches, mais aussi au sein de ceux-ci ; etc. ? Ces défis et périls n'exigent-ils pas de lancer de vastes chantiers de recherche couvrant un arc qui va des énergies renouvelables, aux sciences sociales et politiques, au mieux-vivre ensemble ? Des chantiers présentant une articulation internationale et planétaire ? Au-delà des actuels Etats généraux français de la recherche et de l'université, ne nous faut-il pas tenir des Etats généraux européens, voire internationaux ? Et ne faut-il pas mettre en débat l'idée de la recherche et de l'enseignement publics en tant que biens publics mondiaux ?

4. Explorer les liens entre la recherche et la société Pour revenir en haut de cette page !

La recherche est productrice de social. Pour exemple, au XXe siècle, la pilule contraceptive participera de l'évolution des rapports entre les femmes et les hommes ; le laser jouera un rôle inattendu sur l'information, la culture et la communication ; l'oeuvre de l'anthropologue Claude Lévi Strauss influencera la perception réciproque entre les cultures, voire leurs relations ; celle de Sigmund Freud la représentation que l'Etre se fait de lui-même et de ses relations à l'Autre ; John Maynard Keynes la vie économique et sociale. Ce ne sont là que quelques exemples pris parmi mille.
L'importance des enjeux de la recherche oblige celle-ci à sa propre mise en lumière. En particulier la société a besoin de recherches sur les relations entre la recherche et la société, ainsi que sur les interactions entre les différents lieux et secteurs de la recherche. Ainsi doivent être explorés, analysés:
  • La complexité des liens réciproques entre la recherche et la société, dont secteur de la recherche par secteur de la recherche ; et par conséquent doivent être explorés les rapports entre recherche fondamentale, recherche appliquée et innovation.
  • Les rapports entre les différents domaines de la recherche- de ceux des sciences humaines et sociales à ceux des sciences de la vie et de la nature.
  • Les rapports entre les différents lieux de recherche, en France, en Europe et dans le monde.

5. Demandes à adresser à la société Pour revenir en haut de cette page !

L'effort de recherche indispensable aujourd'hui pour répondre à l'exigence sociétale, pour faire face aux défis et périls de notre temps. Il reposera sur des moyens financiers et humains. Notamment un haut niveau de financement publics des structures et des thématiques ne doit pas être mis en concurrence avec le financement de la recherche par projet. Le concept de bien public mondial doit en particulier se décliner en un mode de financement permettant d'irriguer la recherche publique dans tous les pays.
Les moyens humains doivent être une priorité. Une culture de la recherche et une éducation à la recherche doivent être développées. De l'école primaire à l'enseignement supérieur doit être mis en place et développer :
  • Un enseignement sur la recherche, sa place dans la société, ses objectifs, ses structures, son fonctionnement, son histoire.
  • L'apprentissage de méthodes préparant à la recherche.
En France l'enseignement scientifique doit être renforcé et les coupures entre enseignement supérieur et recherche doivent être supprimées.

6. Recherche et économie dans le contexte libéral européen et international Pour revenir en haut de cette page !

La compétition économique entre les territoires est au fondement de l'Europe et de la mondialisation libérales. Dans ce contexte la recherche publique française est inévitablement appelée à participer à l'effort de recherche servant les entreprises du secteur concurrentiel. Quelles conséquences en termes d'articulations avec la recherche privée ? Toutefois, faut-il que l'ensemble de la recherche publique soit considérée et organisée en fonction de cette exigence ? Que l'ensemble de la recherche publique soit perméable aux intérêts marchands ? Ou faut-il au contraire que des lieux et des domaines de la recherche publique soient in-perméables aux intérêts marchands ? Si oui, lesquels ? Et grâce à quelles mesures concrètes ? Quant à la recherche publique en général, face aux intérêts marchand, quels mesures concrètes mettre en œuvre pour assurer la liberté académique, la rigueur et l'intégrité ? Quelles conséquences sur les statuts du personnels, sur les droits et les devoirs ?
Dans un même temps, comment, en France, stimuler la recherche privée ? Insuffler la culture de la recherche de l'école primaire à l'enseignement supérieur doit être un élément de réponse.
Une articulation européenne de la réponse de recherche, publique et privée, aux besoins des entreprises du secteur concurrentiel n'est-elle pas souhaitable ? Si oui, quelle modalité concrètes ?

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